Ses dessins couvrent les murs de Kinshasa. Ses œuvres ne laissent personne indifférent. Devenu le créateur des photo-call de la street, Eliam artist (de son vrai nom Eliam Mupipi) est l’une des valeurs sures de l’art urbain (Street Art) congolais.
Mago Hits : C’est à l’âge de 17 ans que vous prenez conscience de votre talent et décidez de vous consacrer à fond à votre art. La petite histoire ?
Eliam : Déjà, avant, je dessinais juste par plaisir. C’est en 2015 lorsque j’avais gagné mon premier prix dans un concours de dessin organisé par une organisation de la place (ONU FEMME, ndlr) que j’ai commencé à comprendre que le dessin pouvait payer.
J’ai ensuite enchaîné des concours où j’obtenais toujours le premier prix. C’est est exactement à ce moment que j’ai découvert que cet art était ma vocation. Je m’y suis directement mis à fond.
Quelques années plus tard, vous vous qualifiez dans différents concours d’art, voyagez dans différents pays d’Afrique, rencontrez différents artistes internationaux. Comment avez-vous vécu cette expérience ? Quel impact a eu cette étape sur votre carrière ?
Comme dit précédemment, au début, j’étais juste un amateur de cet art. C’est en ayant gagné mes premiers prix que j’ai compris que je pouvais vivre de mon art. Mais ce sont mes premières opportunités de voyage professionnel qui m’ont permis de croire que je pourrais un jour vivre mes rêves. Faire le tour des pays de l’Afrique de l’Est et rencontrer des grands artistes internationaux a été pour moi comme le début d’un rêve qui se réalisait.
Ces moments de partage avec les professionnels m’ont permis de me découvrir. Mon esprit a été ouvert après cette expérience. C’est là que j’ai compris qu’il me manquait quelque chose. Ainsi, j’ai développé mon identité artistique, mon processus créatif. J’ai vraiment passé la période d’après à me remettre en question et à me documenter.
Artiste pluridisciplinaire, vous faites du Street Art sous votre brand Uhuru Graffiti et de la danse sous Eliam perform. Comment arrivez-vous à canaliser ces deux disciplines pour véhiculer un message unique, cohérent et demeurer comme une seule marque ?
C’est vrai. Je suis un artiste pluridisciplinaire (rires). Je danse, je dessine, je fais des graffitis, je suis un passionné de musique. Il est impossible de les dissocier, car c’est une même culture. Ils font tous partis des cultures urbaines. Pour moi, tout est lié. Mon art est juste une symbiose de tous ces éléments pour passer un seul message.
Vous avez récemment participé au Kin Graff Festival. Les murs et sauts-demouton de Kinshasa ont été couverts par vos graffitis. Ces endroits sont devenus les photo-call des rues et les photos continuent à circuler sur la toile Kinoise. Vous considériez-vous comme l’un des artistes qui viennent donner naissance à un mouvement Street Art à Kinshasa ?
Je dirais oui. Je ne suis pas le premier à avoir fait le graffiti à Kinshasa, mais j’ai apporté une touche à moi qui a attiré un public beaucoup plus large. Les œuvres ont été critiquées et je suis ravi de savoir que fais partie de ceux qui font la fierté de la ville et du pays.
Ça vous fait quoi de porter cette charge de précurseur et de valeur sûre sur les épaules ?
C’est une grande fierté pour moi. Ce n’est pas facile de porter une telle charge, mais on le fait avec le cœur parce que c’est pour une bonne cause. Mettre un beau dessin et des belles couleurs sur des mûrs, c’est bien. Mais avoir une bonne structure pour son œuvre et un message cohérent, c’est encore mieux.
Au-delà du beau, nous artistes avons un rôle éducatif et thérapeutique à jouer dans nos sociétés. C’est libre, c’est de l’art, mais rien ne doit être fait au hasard.
En tant qu’artiste, nous devons songer à la réconciliation de la personne avec l’œuvre. Songer à l’interaction entre la personne et l’œuvre.
Produire une œuvre qui parle à mon audience est ma tâche tout comme assumer le message qu’il véhicule est une responsabilité surtout quand c’est exposé sur la place publique.
Vous considérez-vous comme un artiste engagé ? Quel est le message global que vous véhiculez ? Quelle est la cause de votre lutte ?
Exactement, que je suis un artiste engagé (rires) !
La lutte que je mène ou le message que je véhicule d’une manière globale va de pair avec ma démarche artistique qui se résume en la réconciliation éducative avec notre culture. Dans mes œuvres, j’essaie de faire revivre la culture africaine. Ceci à travers des motifs, des masques. Avec la mondialisation, les jeunes sont en train d’oublier notre culture. Ma démarche vise à emmener des éléments de la cultures et de l’histoire africaine dans cet univers urbain et coloré dans lequel baigne la jeunesse. C’est comme ça qu’ils pourront contempler et arriver à se poser des questions sur certains détails.
Après le Kin Graff , vous venez de donner le goût de la Street Art au public kinois. Quelle est la prochaine étape ?
La prochaine étape, c’est de continuer la vulgarisation de cette facette du Street Art sur les murs de Kinshasa. Participer à des grands événements au niveau international pour mettre la RDC sur la carte mondiale du Street Art. Je travaille également sur différents autres projets qui vous seront communiqués bientôt.